L'Instant

Je t'aime

Je suis là, toute seule, à laisser le temps passer alors que je me devrais tellement de faire toutes les choses que j’ai à faire.

Je ressasse tant de pensées du passé et je me suis mise à pleurer doucement.

Une larme timide et pernicieuse est sortie discrètement de mon oeil pour venir rouler doucement le long de ma joue, le temps que je réfléchis, le temps que je me reperde dans mes plus profonds et douloureux souvenirs.

Pourquoi maintenant ?

Je n’en sais rien.

Peut-être parce que c’est le dernier jour de l’année ?

Et qu’en tant que personne hyper introspective, je me devais de me remettre encore en question ?

Je ne sais franchement pas et ce n’est franchement pas des questions qui m’intéressent et auxquelles j’ai envie de fournir des réponses, car il y a plus important.

J’étais là, plongée dans mon passé et je réfléchissais, à tout.
Mais surtout à lui.
A mon frère.

Comme d’habitude, c’est lui, lui et puis lui.
Toujours lui.

Mauvaise période de l’année je suppose.

Je repensais à tout ça, au jour de son décès mais surtout aux jours qui l’ont précédés et suivis…

Et j’me suis rendue compte d’à quel point j’avais été une mauvaise petite soeur…

Je sais qu’à cette époque je n’étais pas bien du tout non plus, j’étais très pudique sentimentalement parlant par rapport à ma famille, je ne savais plus leur parler de mes douleurs et les entendre me parler des leurs me remplissait de rage et dégoût, j’estimais qu’ils se devaient de gérer ça et de régler ça eux-mêmes, comme moi j’avais été obligée de le faire durant si longtemps parce qu’ils avaient trop longtemps refusé d’écouter mes appels au secours.

Encore une fois, je me souviens de ses yeux, ses yeux.

Pourquoi il y a toujours eu ce lien de communication si fort entre nous ?
Quand il était malheureux, profondément mal, je le voyais dans ses yeux et cela me percutait si fort, j’avais l’impression de recevoir un coup énorme dans la poitrine, je me mettais à ressentir tout ce qu’il ressentait, je n’ai jamais compris pourquoi cela fonctionnait ainsi entre nous deux.

Les choses de la vie ont fait que nous nous sommes séparés, distancés, parce qu’à force de lui pardonner ses erreurs, est arrivé le jour où je ne pouvais plus accepter qu’il s’en prenne à moi.

Je l’ai toujours regretté.
Tout ce temps perdu avec mon grand frère, parce que je ne souhaitais plus le voir, l’entendre, savoir quoi que ce soit de lui, parce que la simple idée de lui me terrifiait, me faisait trembler.
Je l’ai regretté longtemps, probablement toujours maintenant, parce que tous ces mois, j’aurai pu tenté de le comprendre, de l’aider, d’être là, parce que je savais que ça n’allait pas pour lui.

Et ce soir-là, 3 jours avant qu’il ne commette l’irréparable, je me souviens de ce qu’il m’a dit, je me souviens de son regard honteux en m’avouant ses desseins.
Je me souviens qu’avant de me l’avouer, il pleurait à chaudes de larmes à côté de moi, nous n’étions que nous deux alors, je voyais ses épaules trembler à cause des sanglots, courbé sur lui-même, il cachait son visage pour ne pas que je le vois pleurer.
Et j’ai voulu m’enfuir.
J’étais trop mal à l’aise, je n’étais plus capable d’élans ainsi désormais, je n’en étais plus capable...
A force de souffrir toute seule dans mon coin pendant des années, cette armure que je m’étais construite était devenue trop épaisse, trop encombrante, trop efficace...
Je lui ai tapoté le dos, l’air de rien et je ne me souviens même plus de si j’ai été capable de lui adresser un mot.

Quand maman l’a forcé à me dire ce qu’il prévoyait, j’ai été premièrement horrifiée et puis dégoutée.
Je l’ai trouvé si faible.
J’avais des idées noires depuis tellement d’années et je les avais combattues, moi, encore et encore, alors je le trouvais si faible et pathétique, j’en aurai p-e même eu un rictus de mépris si je n’avais pas été aussi étonnée.

Je leur ai dis qu’il fallait arrêter de dire des conneries pareilles et qu’il devait se reprendre, je me suis levée sans leur jeter un regard, raide comme un piquet, et je suis partie.
Une fois hors de la pièce, j’ai monté les escaliers 4 à 4 pour me réfugier dans ma forteresse protectrice, ma bulle qui contrecarrait toutes les émotions : ma chambre.
Et j’ai directement appelé celui que j’aimais à cette époque, qui connaissait tout de moi, de ma famille, de tout, depuis plus de 4 ans.
Et je lui ai déversé ma rage, et j’ai pleuré, pleuré, parce qu’en réalité les mots de mon frère m’avaient fait terriblement mal.
Le voir là, tout seul, au bout du rouleau et voulant commettre l’irréparable, ça m’avait fait si mal pour lui !
J’avais le coeur à vif, en sang, comme si on venait de le frotter encore et encore et encore au papier de verre…

Et 3 jours plus tard, il n’était plus.

3 jours plus tard mon frère l’avait fait.

Je n’y aurai jamais cru, jamais. Pas avant cette nuit-là où on a désespérément attendu de ses nouvelles et où rien n’est venu, rien n’a répondu.

Et aujourd’hui, en réfléchissant, en revoyant son visage, ses yeux, parce que j’ai l’impression que dans mon souvenir lointain et brouillé il n’y a plus que ses yeux dans son visage qui commence à devenir flou, dans ce décor de maison froid et sombre, je revois ses yeux et…

Après toutes ces années, j’ai enfin compris.

J’ai enfin compris ce qu’il y avait dans ses yeux.

Le fait que lui, l’avait plus personne.
Personne à qui se confier, à qui déverser sa peine.

Et moi, sa petite soeur, qu’ai-je fais alors ?
Je lui ai tourné le dos, et je suis partie. Me confier. A celui que j’avais la chance d’avoir à cette époque.
Et je l’ai laissé seul, je l’ai abandonné.

J’avais souvent culpabilisé mais je n’avais jamais vu les choses comme ça, je n’avais jamais compris...
Je n’avais jamais compris ce qu’il y avait dans ses yeux, j’y avais juste ressentis sa douleur.

Et cette larme, ou plutôt une de ses nombreuses petites soeurs, continue de couler sur ma joue.

Et je me dis que je devrais aller lui demander pardon.
Parce que c’est important...
Pour lui, pour moi, mon âme, pour la sienne ?

Je sais qu’il ne m’en veut pas et ne m’en voudra jamais, on s’aimait trop pour ça et je suis convaincue, que même à travers la mort, notre relation a évolué parce que j’ai bien trop souvent pensé à lui, parce que j’ai beaucoup évolué, parce que je suis sortie de ce noir épais et intense qui recouvrait mon existence à l’époque.
Et je sais qu’au jour d’aujourd’hui, encore plus qu’avant, il aurait été fier de moi, de ce que j’ai fais de moi et de ma vie.
Je pense à lui à chaque instant, à chaque nouvelle aventure et je me dis à chaque fois
"Qu’est-ce qu’il aurait aimé vivre ça"

Mais je sais qu’il est là, qu’il me regarde, qu’il me surveille et qu’il s’amuse de son côté
Oui, qu’il s’amuse, parce que je ne peux pas concevoir qu’il ne soit pas en train de faire la fête avec ses nouveaux amis, de l’autre côté
Parce que mon frère, tout comme moi, a eu ses côtés noirs et sombres, mais il est une lumière, quelqu’un qui a toujours été super généreux, lumineux, qui apportait de la vie et de la joie autour de lui
Et quand on me dit à moi, que je suis un petit soleil, ça me fait sourire et je ne peux m’empêcher de me dire, que c’est de famille.

Mon frère, je t’aime

Bonne année 2013